10 conseils pour dessiner d’après observation
Face à un sujet, notre cerveau enregistre 1 000 informations et a tendance à vouloir tout retranscrire. On est alors tenté de commencer par « un bout » et de s’attaquer directement aux détails de « ce bout » sans avoir eu une vision d’ensemble du sujet. Ensuite on se perd un peu et on a du mal à rapprocher les différents bouts dans un ensemble cohérent. Si cela fait écho à ce que vous avez pu vivre, je vous invite à lire ces quelques conseils pour dessiner tout sujet d’après observation. Ces conseils ne sont pas ordonnés sous forme d’étapes mais à intégrer tout au long du processus, bien que certains suivent une certaine logique chronologique.
Conseil n°1 : On commence par représenter les grosses masses en regardant la place qu’elles occupent.
On s’aide en regardant aussi les vides entre les grosses masses et les bords du papier (autrement dit du cadrage que l’on a choisi). Ceci est plus facile lorsqu’on dessine d’après photo ou lorsque l’on utilise un viseur dont l’ouverture est proportionnelle à la feuille de dessin. Mais dans tous les cas, la question à se poser est : quel espace je souhaite que mon sujet prenne sur la feuille ?
La forme des vides nous aide à placer notre sujet sur la feuille et à dessiner les pleins (les masses). On place quelques premiers repères dans l’espace de la feuille. Ces traits ne sont pas tous définitifs et pourront être gommés ou réajustés. Il est donc conseillé d’avoir une main légère sur ces premiers traits. Certains peuvent être juste des repères imaginaires qui seront gommés ou recouverts (exemple : les axes d’un corps pour capter le mouvement).
Le sujet est placé en simplifiant les formes. On cherche à capter la forme globale du sujet et l’espace qu’il occupe sur la feuille.
Conseil n°2 : Au départ on simplifie la forme des grosses masses en formes géométriques
On cherche à se rapprocher des formes géométriques des objets ou éléments dans un premier temps. Par exemple, l’escarpin à gauche dans l’image ci-dessus, ressemble plus à un triangle. Plus tard, chaque fois que l’on est perdu il peut être utile de revenir à la forme simplifiée de l’élément avant de la préciser. Une fois les grosses masses installées sur l’ensemble de la feuille avec les bonnes proportions, on peut commencer à préciser les formes.
Le sujet est précisé progressivement sur l’ensemble. Observer la petite croix (ou point) dans la ballerine qui indique le milieu de la composition (la photo n’est pas centrée mais le point est bien au milieu ;)).
Conseil n°3 : On se donne des repères :
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- Où se trouve le milieu de mon sujet ? On trace une verticale et une horizontale imaginaires qui coupent le sujet en son milieu (on s’aide du manche d’un pinceau placé devant l’œil directeur en fermant l’autre). Une fois le milieu repéré, on s’arrangera pour qu’il corresponde à peu près au milieu du dessin. Dans mon exemple, le milieu se trouve au niveau de la ballerine (voir la croix dans l’image plus haut).
- On peut définir une mesure étalon qui nous servira à évaluer les rapports entre les différentes formes. Par exemple, s’il s’agit d’un portrait, on mesure avec le manche du pinceau et le pouce la hauteur d’une tête et on voit comment cette mesure découpe les autres parties du corps. Dans notre nature morte de chaussures, une mesure étalon peut être la largeur la plus forte de la ballerine que je compare aux autres formes.
- On continue à observer les vides (même petits) qui nous donnent une indication des distances entre les masses (voir par exemple dans l’image ci-après le vide entre l’escarpin, le chausson et la ballerine, ou encore le vide « pointu » entre la bottine et la ballerine).
Conseil n°4 : On observe les liens entre les éléments.
On ne regarde pas seulement chaque élément individuellement mais aussi par rapport aux autres éléments qui l’entourent. Tous les éléments d’un sujet sont liés, et leur agencement donne un ensemble cohérent. C’est ce qu’on cherche à obtenir dans le dessin d’observation. Observer les points de contact entre les différents éléments (là où ils se touchent) aide aussi à placer le dessin de manière juste. On peut aussi relier les différents éléments avec des lignes imaginaires. Par exemple, sur un portrait, si je trace une verticale du coin de l’oeil vers le bas, où se situe cette verticale par rapport à la bouche (etc.) ? Dans mon exemple, si je trace une horizontale à partir de l’extrémité en haut à droite de la ballerine, à quel endroit coupe-t-elle la bottine (etc.) ?
Pour repérer les éléments qui ne vont pas, deux astuces :
- Faire des allers retours rapides avec les yeux entre le modèle et le dessin, un peu comme le jeu des 7 erreurs. Au bout d’un moment les erreurs apparaissent.
- Regarder son dessin dans un miroir : les erreurs nous sautent aux yeux généralement.
Observer les vides entre les chaussures ainsi que les points où elles se touchent/se coupent.
Conseil n°5 : On évite de « nommer » intérieurement ce que l’on dessine.
Ceci afin d’éviter le parasitage du cerveau qui nous pousse à ne plus vraiment regarder notre sujet (voir à ce sujet l’article « comment bien regarder en dessin« ). On se parle plutôt en terme de lignes qui montent, qui descendent, on repère les formes qui ne renvoient à aucun symbole identifiable (vides, tâches, lignes, courbes…).
Conseil n°6 : On prend son temps sur le dessin d’ensemble.
Même si l’on a très envie de commencer la peinture (pour les peintres) ou les détails. A moins de vouloir dévier du modèle totalement et se lancer dans un peinture intuitive, il vaut mieux passer du temps sur la composition des formes. Même si le dessin se poursuit avec la peinture, le temps passé à établir ces repères, à s’imprégner du sujet, facilitera grandement le travail. Et plus le sujet est complexe, plus c’est nécessaire. Dans notre exemple de nature morte, il est inutile de commencer à dessiner les lacets avant d’être certain de la forme de chaque chaussure et de leurs rapports entre elles (là où elles se coupent, se touchent, les vides qui les relient).
Une fois les différents éléments bien en place, je peux dessiner certains détails et ajuster les lignes.
Conseil n°7 : Jusqu’à quel niveau de détail aller au niveau du dessin ?
Je dirai que cela dépend du sujet et de votre intention derrière. Si votre objectif principal est le travail de la lumière, le dessin n’aura pas besoin d’être précis au niveau des formes. S’il s’agit de reconnaître le visage d’un proche, alors le dessin du visage sera plus précis. A vous de placer le curseur en fonction de ce que vous recherchez.
Conseil n°8 : Une fois le dessin en place, on travaille l’ensemble du dessin (ombres et lumière, mise en couleur…) toujours du général au particulier.
Cela signifie qu’on ne commence pas les détails d’une partie avant d’avoir passé une première couche sur l’ensemble. Tout doit se préciser progressivement sur l’ensemble du dessin / du tableau. Comme si l’on pouvait l’arrêter à n’importe quel moment et obtenir un ensemble cohérent. Pourquoi ? Parce chaque partie réagit par rapport à son environnement. Par exemple, un sujet pourra paraître très sombre et contrasté avant d’avoir peint l’arrière-plan, et très fade ensuite…
Une astuce pour démarrer la peinture tout en gardant une cohérence d’ensemble est de peindre d’abord les couleurs locales avec un lavis coloré. La couleur locale d’un sujet est sa couleur de base sans les ombres et lumières ni les effets de texture. On a l’impression de faire du coloriage mais cela peut rassurer au début et le travail des couches suivantes sera facilité.
Conseil n°9 : Prendre le temps d’observer votre sujet
Et oui, c’est trivial mais c’est la clé du dessin d’observation 😉 : avant de vous saisir de votre crayon et de commencer le dessin, posez-vous les questions en points 1 à 4 (quelles sont les grosses masses ? Où est le milieu de mon dessin ? Quelle mesure étalon pourrait me servir à évaluer les proportions entre les différents éléments ? Quelle est la forme des principaux vides ? A quel endroit les objets se coupent…). Cela facilitera grandement le dessin.
Conseil n°10 : Comme un sportif, considérer chaque dessin comme un entraînement
Laissez-vous la possibilité de vous tromper, de ne pas être toujours au top de votre forme, de ne pas être satisfait à chaque fois. C’est à force d’entraînement que vous deviendrez un champion du dessin d’observation !
Nature morte de chaussures terminée : gouache sur papier canson Montval 300g. Les textures, les ombres et lumières ont été progressivement travaillées, toujours en progressant sur l’ensemble. Aucune chaussure n’a vraiment été totalement achevée avant les autres. J’ai choisi de ne pas représenter les lacets de la bottine marron car c’était anecdotique et le dessin était trop petit pour entrer dans ce niveau de détail. Ce qui est bien, c’est qu’on est libre de faire ce que l’on veut 🙂
Dans cet exemple, l’objectif était de prendre son temps pour une mise en peinture. On peut très bien dessiner de manière plus directe sans passer par le placement des masses, notamment dans un carnet de croquis. Mais la plupart des conseils ci-dessus s’appliqueront néanmoins dans l’observation du sujet, même pour des croquis rapides.
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Variante au crayon graphite et craie blanche sur papier mi-teinte